Audioprothésiste de formation, Bénédicte Pilat ne se destinait pas particulièrement à la carrière de chef d’entreprise. Mais le défi de la transformation l’a attirée dans ses filets, et c’est avec un subtil mélange de bon sens et de vision d’avenir qu’elle s’est attelée, avec son coprésident David Smaihi, à faire d’OREM-ASTRE une entreprise de services industriels du 21ème siècle.
Un petit aux compétences de géant

Elle définit elle-même l’entreprise familiale comme « un petit parmi les grands et un grand parmi les petits ». OREM-ASTRE, fondée en 1986 par son père André Pilat, reste en effet, avec 150 salariés et un CA de 17 millions d’euros en 2018, une PME en apparence traditionnelle.
Mais la maintenance industrielle requiert des compétences de géant lorsqu’elle concerne des opérations telles que le démantèlement du Synchrotron de Grenoble (1500 tonnes de machines et d’équipements scientifiques de hautes technologies, avec tous les câbles et tuyaux associés, à extraire d’un tunnel circulaire de 850 m de circonférence, excusez du peu !), exécuté de main de maître par OREM-ASTRE à la suite d’un appel d’offre draconien.
La confiance d’abord
A cet égard, les deux codirigeants d’OREM-ASTRE n’ont qu’une philosophie : le collectif. Pour que cela marche, il faut que les collaborateurs collaborent ! Et pour qu’ils collaborent, il faut que la confiance soit partout. Que l’esprit d’équipe et d’entraide circule dans les moindres rouages de la machine humaine. Que l’individu et ses compétences soient au service du collectif.
C’est ce que Bénédicte Pilat insuffle au quotidien dans l’entreprise. Elle a depuis longtemps compris cette évidence pas si évidente : seul un cadre collectif permet de trouver les ressources et les compétences dont on ne dispose pas, et seule la confiance permet de les partager efficacement. Une hypothèse qui explique également la direction à deux têtes dont s’est dotée l’entreprise en choisissant deux coprésidents. Une double direction que Bénédicte refuse de qualifier de « bicéphale » parce que « deux personnes, c’est beaucoup plus que deux cerveaux ! ».
Le collaboratif à l’infini
Pour sa part, Bénédicte Pilat a plus particulièrement choisi de développer, parmi ses compétences managériales, celles liées à l’animation des équipes, qu’elle considère comme la première richesse de l’entreprise. Même si cela sonne comme une évidence, ce n’est pas inutile de le rappeler, dans la mesure où la création de valeur dépend, à chaque étape, de la motivation et de l’autonomie des collaborateurs concernés…
Elle va même plus loin, en affirmant, non sans bon sens, que le collaboratif s’applique également en externe « pour trouver des compétences que nous n’avons pas en interne. En fait, le collaboratif se décline à l’infini ». Et de donner l’exemple des achats non stratégiques de l’entreprise, pour lesquels OREM-ASTRE s’en remet à PME Centrale, filiale du groupe Qantis, « qui apporte des gains substantiels sans aucune mobilisation en interne ». Elle conclut sans appel en confirmant que le collaboratif « constitue une mine intarissable de nouveaux moyens et de nouvelles idées ».
La clef : travailler étroitement avec l’encadrement intermédiaire
Par contre, Bénédicte Pilat se défend d’avoir transformé OREM-ASTRE en entreprise libérée, même si, sur certains sujets, les barrières héritées du fonctionnement pyramidal mis en place par son père ont été supprimées en faveur de l’ouverture de nouveaux espaces de décision en dehors de la direction. Ainsi, elle insiste fortement sur l’importance de travailler en lien très étroit avec l’encadrement intermédiaire, avec pour objectif la mobilisation des valeurs ajoutées de tous les collaborateurs.
« De toute façon, proposer des idées qui vont impacter à court ou moyen terme la marche de l’entreprise n’est pas un don inné. Cela nécessite un minimum d’accompagnement, surtout dans notre culture marquée par le syndrome du chef ».
Alors, sous cette double houlette, OREM-ASTRE n’ambitionne pas de révolutionner le fonctionnement de l’entreprise. Par contre, ses deux coprésidents ont compris qu’une structure pyramidale concentrant les pouvoirs décisionnaires n’ouvraient pas de perspectives de développement, alors qu’un partage de responsabilité bien pensé valorisait fortement la ressource qui, en fait, constitue le trésor de guerre de toute entreprise : ses collaborateurs.
Mettre les équipes en condition de réussite
En attendant, Bénédicte Pilat continue de faire ce qu’elle aime au quotidien : gérer les tâches transverses, qui sont pour elles les plus dynamisantes, parce qu’elles exigent un regard multidimensionnel et permettent de marquer des points sur beaucoup de plans différents. Elle attache également beaucoup d’importance à la mise en condition de réussite des collaborateurs en les aidant « à lever le nez du guidon ». Autant de rôles qu’elle revendique comme des compétences personnelles, qu’elle sait ne pas pouvoir mener à bien sans écoute et respect.
Et sinon, le dimanche, que fait-elle ? Eh bien, comme tout le monde : rien. En tout cas, rien dans l’entreprise. « J’aime aller déjeuner dans des guinguettes en bord de Saône. Savoir se reposer, c’est essentiel », conclut-elle.